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Aujourd'hui, je marche


On a tous.tes une bonne raison de ne pas vouloir défiler dans les rues, de ne pas nous exposer, de ne pas vouloir nous noyer dans la foule.

Pour certain.es ce sera une peur panique des rassemblements, pour d'autres ce sera une position politique contre l'aspect festif du cortège.


Parfois, on se dit "encore une fois ?" et "à quoi bon ?". Voici les raisons pour lesquelles je marcherai aujourd'hui. Ce samedi, ce sera ma vingtième pride. La première fois que j'ai foulé le pavé parisien en me sentant légitime de porter le drapeau arc-en-ciel, j'avais à peine 18 ans. Je sortais tout juste avec une fille pour la première fois, j'avais hâte de rentrer dans cette nouvelle famille, d'être entourée de la tolérance et de la bienveillance que j'avais déjà aperçue en trainant dans le Marais. Je me souviens de ce sentiment très puissant d'appartenance, cette douce odeur de liberté qui flottait dans l'air. J'étais née dans un pays dans lequel j'avais le droit d'aimer. Ce droit était garanti par la loi, au moins en théorie. Je mesurais ma chance, je croisais les regards de ceux et celles qui avant moi avaient dû se cacher. J'avais conscience que cette jouissance avait eu un prix : celui du silence, celui de la honte, celui de la stigmatisation et du harcèlement. Mais j'étais née suffisamment tard pour ne pas avoir à le payer. Et je n'avais qu'à profiter de l'instant.

Les années ont passé, je continue de marcher, mais je ne marche plus pour moi. Je marche pour toutes celles et ceux qui ne peuvent pas marcher, celles et ceux qui partout sont réduits au silence, dont les droits sont bafoués, à qui on refuse la plus simple des humanités. Je connais des personnes LGBTQIA+ qui continuent de se cacher, qui ne se sentent pas les épaules de marcher. Je comprends leur détresse et leur frustration, mais je ne peux pas me résoudre. Il est des combats qui nous dépassent, des luttes qui transcendent notre existence. Quand on se répète en boucle "quel tort y-a-t-il à aimer ?", on n'arrive pas à dépasser cette incompréhension. Alors, je marche aussi pour faire circuler le sang, celui qu'on a refusé de nous prendre pendant si longtemps pour aider les autres. Et je marche pour évacuer cette colère, cette rage, celle de recevoir encore ça et là les relents de haine des trolls du quotidien. C'est un bain de foule nécessaire. C'est une chorégraphie revendicative, une procession des plus urgentes. Nos droits ne sont jamais acquis. L'espoir est de mise mais la vigilance est vitale. Ce samedi, je regarderai ceux et celles qui comme moi, il y a vingt ans, affirment timidement leur droit à aimer et je marcherai pour eux.

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